Mois : juin 2013

Daft Punk – Random Access Memories

 

Random Access Memories

 

J’en vois déjà certain sourire en voyant cette chronique arriver : pour la n^ième fois quelqu’un va parler de Random Access Memories, 4ième Lp des Daft Punk. Oui certains n’ont pas aimé (c’est leur choix) tandis que d’autres en sont tombés sous le charmes dès les premières minutes. Chacun ses gouts l’amis, tout le monde doit s’adapter un jour ou l’autre, les deux robots nous ont habitué à changer de veste a tout de bras. A commencer d’abord par Homework en 1997, première sortie majeure doublé d’une réussite fantastiquement jouissive. Mélange subtil et typique de la House de Chicago et de la Techno plus agressive de Detroit, l’album a marqué les esprits et continue encore de faire son effet à l’heure actuelle. Discovery en 2001 viendra  scinder la masse de fans en quelque sorte : album réussis, les « Samplages-Disco » en masse ont tapé dans les oreilles d’une partie des habitués. Cela n’empêchera pas pour autant de voir de nombreux morceaux figurer dans les set Dj actuels (One More Time et Digital Love en première place). Human After All (comique ces deux robots) arrive en 2005 à coup d’Electro-clash, perturbant d’un côté les adeptes « Discoveryen » et mettant mal à l’aise une partie des « Homeworkien ». Ce 3ième Lp est pourtant réussis dans la forme, certes Robot Rock ne comporte que très peu de différences avec le titre original (ici) mais la tournée en 2007 (Alive) viendra fermer les clapets de pas mal de détracteurs. Puis le Stand-By. Parce que non, la bande son de Tron est bonne mais ne peut qu’être savouré qu’en regardant le film éponyme. Au-delà de cette tendance qu’on certaines personnes à leur vouer un culte, je restais sur mes gardes : la venue de teasers réveillait en moi l’idée d’un successeur d’Homework (le meilleur je vous le dit, ceux qui pensent le contraire peuvent déjà quitter cette page). Mais non, Get Lucky est venu briser un rêve de gosse en quelques secondes. Sous le choc mais curieux de découvrir cette nouvelle facette des Parisiens (ils l’ont dit en interview, ils ne sont pas Versaillais) je me regardais les vidéos des collaborateurs (Paul Williams, Nile Rodgers etc…) et commençait à voir venir plusieurs indices.

1)      Ce sera de la Funk.

2)      Ca sonnera bien au soleil (côte Californienne oblige).

3)       L’album sera diversifiés (nombreux collaborateurs)

4)      Ca surfera sur l’esprit de Discovery (pensez aux vocodeurs)

 

Par la première écoute du Lp j’en déduirai la validité des premières, deuxièmes et troisièmes prévisions. Toutefois la quatrième ne sera qu’à demie respectée (vous allez savoir pourquoi).

 

Give Life Back To Music nous met donc dans l’ambiance dès les premières notes : batterie furieuse, petit riffs de guitare typique de Rodgers, les premières secondes rassurent d’emblée l’esprit du fan. Sur un rythme bien funky viennent se poser les vocodeurs des robots. Toutefois (et c’est pour cela que je ne pense pas que Discovery ait eu tant d’influence dans la composition de ce 4ième album) les Daft Punk ont eu la savante idée de ne pas aller trop loin dans cette idée, ici les voies restent discrètes et ne visent pas la surenchère. Titre remplie d’une multitude de détail, l’auditeur se laisse transporter dans une bulle sonore. Une introduction parfaitement orchestrée au final.

 

Ca se corse par contre avec The Game Of Love. C’est comme si on passait de la vitesse de la lumière aux 60km/h d’une mobylette. Certes le morceau est envoutant passé les premières secondes (je pense par exemple aux petites lignes mélodiques qui se marient parfaitement avec les vocodeurs) mais on est dérouté de voir ce changement de vitesse dès le début de l’album. Le problème vient surtout de la Tracklist : placé aux milieu du Lp, The Game Of Love aurait joué son rôle à merveille mais le mettre en seconde position casse l’ambiance précédemment installée avec Give Life Back To Music. Artistiquement par contre c’est encore un sans-faute : de la surprise, du romantisme, une pointe de sexe, voilà ce qui se dégage après la première écoute (et c’est amener à se renforcer avec le temps).

 

Giorgio by Moroder vient heureusement dépoussiérer la mécanique de l’album. On passe à la trappe cette disparité rythmique au début de l’écoute du Lp, là on est face à du grand art. Gorgio (mythique producteur de Disco) vient poser sa voie sur un petit rythme feutré, tout en douceur. Les bilingues interpréteront le récit selon leur guise (cela reste une autobiographie de toute manière) mais chapitre le plus innovant de ce morceau est bel et bien la diversité sonore. Instrumental dans les deux premières minutes du morceau, l’armée de synthétiseur vient changer l’ambiance en une demie seconde. Très brutal au départ, les multiples réécoutes viendront rendre ce cassage tout à fait naturel avec le temps. Deux minutes plus tard c’est au tour du son groovy de faire son apparition (pensez à une basse bien lourde). Mais cette fois point de scission sonore, les synthés reviennent pour opérer un magnifique mélange des deux genres. Quant au final endiablé, vous en aurez pour plus de 3 minutes de kiff (batterie furieuse, guitare en feu, l’orgasme auditif). On termine finalement ce voyage musical par le petit « Click » présent au début de morceau. 9 minutes d’orgasme historico-musical.

 

Et là c’est le drame : Within commence et…… on se fait chier, c’est moue, chiant et clairement pas au niveau de ce début d’album. A des moments c’est presque à se tirer une balle tellement c’est triste de voir un morceau comme ça venir se hisser dans Random Access Memories. Je ne mâche pas mes mots, mais pour moi Within est le thème sonore des « Feux De L’Amour » à quelques détails près.

 

Heureusement Instant Crush donne un gros coup de fouet. Batterie compressée, guitare rythmique savamment posée, au moins on augmente en vitesse. La voix de Julian Casablancas passée à coup de Vocodeurs laisse toutefois un arrière-goût bizarre à la première écoute, comme si les deux robots l’avaient déformée au maximum pour ne pas laisser l’empreinte des Strokes apparaitre. Mais rassurez-vous, les réécoutes vous feront très vite oublier ce détail, au contraire même le morceau passera encore plus facilement avec le temps. Misant avant tout sur la simplicité (que ce soit les accords de guitare, la rythmique des graves ou les paroles) on sent que Thomas et Guy-Man ont fait du mixage studio leur spécialité. C’est propre, tout bête et tout con, mais c’est propre ! Croyez moi c’est ce qui manque à l’heure actuelle chez une majorité d’artiste (chaîne Hi-Fi du padre à l’appui, un mauvais mixage se repère en un dixième de seconde). Pas un des meilleurs morceaux de l’album (ni des plus recherché) mais la recette fait son effet tout de même.

 

Alors oui on a longtemps crié sur Pharrell Williams, certains le traitant de Hipsters, d’autre l’accusant d’être un nul total en musique. Mais mettez vos clichés de côté le temps de Lose Yourself To Dance parce que vraiment le bonhomme nous montre qu’il a quand même du talent au fond. Le sage (Nile Rodgers), l’apprenti (Pharrell) et nos deux robots dévoilent donc l’étendue de leur collaboration, ô combien fructueuse. Parce que là encore c’est la carte de la simplicité qui est choisie, une batterie bien lourde accompagnée de riffs de guitare et d’une basse en fond  et voilà vous avez l’instrumentale du morceau. Mais attention, la pointe de changement dans tout ça c’est la prestation de l’apprenti : changeant complètement de timbre de voix par rapport à sa carrière de rappeur, Pharrell apporte un supplément de Funk au morceau. Les Vocodeurs débarqueront pour nous montrer que c’est bien les deux robots qui ont produit et géré tout ça. Recette gagnante à tous les niveaux, Lose Yourself To Dance ouvre la voie.

 

Mais le sésame absolu de Random Access Memories c’est Touch. Du point de vue artistique, un véritable défi. Des dires des deux robots, le titre comporterait 250 pistes ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais ça relève de l’exploit, surtout au mixage studio (un véritable casse-tête à mon humble avis). 1,51 minutes d’intro psyché (on nage en plein 2001 : l’odyssée de l’espace) pour arriver sur le « Touch » de Paul Williams, juste parfait. Son timbre de voix colle parfaitement au reste du morceau, il annonce la suite des évènements en quelque sorte. Comme une entité en pleine résurrection et voyant ses souvenirs défilés à la vitesse lumière, les influences sonores s’enchainent, au gré de chœurs et mélodies subtilement recherchées. Si vous devez retenir un seul morceau de ce 4ième album c’est bel et bien Touch. Une magnifique surprise, surtout que notre chère amis Paul Williams est injustement méconnu en Europe. Le titre a dérouté pas mal de fans à ce que j’ai pu voir, mais croyez-moi ce sont les réécoutes qui vous convaincront.

 

Get Lucky. Je fais partis des nombreuses personnes à avoir été agacé par toute la campagne promo des Daft Punk, en grande partie à cause des hipsters et autre suiveurs qui nous dégainait ce morceau à tout bout de chant (et vas-y qu’on le passe en soirée, et vas-y qu’on le repasse 150 fois…). La version Radio Edit du morceau est tout bonnement à chier, des coupures aux moments les plus recherchés sans compter sur les trop nombreux réédit des fanboys absolus et j’en passe. J’attendais l’album avant de me forger une idée réelle du titre. Et franchement Get Lucky mérite amplement son statut de tube de l’été. Encore une fois Pharrell nous livre un sans-faute et il n’est pas le seul : Nile Rodgers manie toujours aussi bien ses petits accords (devenus mythiques maintenant que j’écris cette chronique) nos deux robots produisent le tout en fin stratège, non sérieusement ils connaissent les bonnes recettes nos deux Parisiens !

 

Beyond vient se caler juste après et c’est très bien pensé : une petite pause dans tout ça qu’on puisse garder les pieds sur les pédales. La petite introduction de 45 secondes laisse toutefois penser le contraire : violons et instruments classiques à l’appui, j’ai tout de suite pensé aux musiques de Final Fantasy ou d’autres célèbres RPG Japonais (bizarre vous me direz). Mais c’est la petite ballade suivante qui fait tout son charme : ici c’est l’absence de démesure qui séduit l’auditeur, une simple guitare accompagné d’une batterie et de 2 synthés et voilà. Ah non j’oubliais les Vocodeurs, cette fois ci utilisé parfaitement et à bon escient. C’est jouissivement maitrisé.

 

Motherboard vient briser net l’utopie précédemment installée : un bordel de percussions, des mélodies bien trop discrètes (et qui ne décollent jamais) sans parler d’une flute trop sous-exploitée, que de déception. Le seul élément gagnant du titre est sa conclusion : là par contre l’aspect mélodique prend le dessus et les batteries (oui il y en a un paquet) se font plus discrètes. Mais que de gâchis, un des points noir de Random Access Memories.

 

Fragments of Time est lui aussi un titre forgé pour l’été : un bateau ou une bonne bagnole à pleine vitesse, lunettes de soleil et bédo au bec tu seras prêt à écouter le titre. Todd Edwards vient poser sa voie tout le long du morceau, jamais de sur abusé (contrairement à sa précédente performance sur Too Long) mais juste un timbre naturel. L’instrumentale vient en rajouter beaucoup de son coté, des notes de pianos brillamment placées à la petite guitare (si typique de cet album) je manque de mot pour décrire tous les aspects sonores de Fragments Of Time. A chacun ses avis sur la question, mais je reste sur de moi là-dessus : attendez l’été avant de juger.

 

La carte de la simplicité a malheureusement ses propres limites : Doin’it Right en est l’exemple. Pourtant le Beat bien lourd annonçait un avenir radieux, mais c’est la maudite voix de Panda Bear qui atomise le charme du morceau. Il crie une fois, ok ça passe, deux fois, ok ça passe moins, mais quand c’est tout du long ce n’est même plus supportable. Point de mélodie, ici c’est le minimalisme (pas la Minimal, le minimalisme, comme si c’était juste une maquette en plein enregistrement). Déception cruelle, j’en attendais beaucoup de cette association Daft-Bear vu les bonnes critiques. Mais bon, chacun ses délires et tendances musicales.

 

Et là c’est le Contact. Reprise d’un vieux morceau coproduit par DJ Falcon, les Daft Punk l’arrangent ici à la sauce Funky. Enfin non, point de Funk dans cette conclusion, au contraire on se rapproche de Rollin & Scratchin’ par moments. Une batterie de dingue (préparez-vous à décoller), un Sample de The Sherb’s qui nous fait monter, monter et monter… Contact est en quelque sorte le morceau que tout fan de Daft Punk (Homeworkien, Discoveryien, Human After Allien confondus) aimera et se réécoutera pendant longtemps. Une ouverture sur un nouveau projet (album Remix de RAM à venir), sur un nouveau monde, chacun est libre d’interpréter comme il le voudra cette petite merveille.

 

Réussite est le mot qui correspond à Random Access Memories, premièrement parce que le paris était incroyablement dur à gagner : 8 ans d’absence, un public à reconquérir, un énorme travail en studio et etc… Deuxièmement parce que quand on commence à faire de la Techno dans sa chambre, qu’on sort 3 albums électroniques et qu’on décide de se lancer dans la Funk Disco, il y a un grand gouffre entre les deux genres. Et troisièmement parce que venant des Daft (et de leur soucis de changer de veste musicale à chaque album) c’est un incroyable bond en avant. Oui ils n’ont pas fait l’erreur de nous refaire un Discovery 2, non ils n’ont pas refait un Homework, non ils n’ont pas réinventé la Funk, mais putin OUI ils ont réussis à sortir un album en 2013 qui se démarque du reste et qui est correctement travaillé. Comme je l’ai souvent dit dans cette chronique, ce 4ième Lp se savoure après de multiples réécoutes, du début à la fin, alors fonce vers tes platines et prépare ton amplis à tube l’amis, les Daft Punk n’ont pas finis de te faire jouir !